In less than a month, the best athletes in the world will meet in Monaco for the Herculis EBS 2020 Meeting. Among them, 2x World Champion Karsten Warholm. As he's preparing for this meeting, we gave him a call and catched up with him to talk about his quarantine, his training, bulding Legos and what his goals are now.
Matthieu : Tu es actuellement en Norvège, comment est la météo là-bas ? Et comment influence-t-elle ta préparation pour un climat comme nous avons ici à Monaco ?
Karsten : Il fait relativement beau en Norvège. Il commence seulement à pleuvoir. J’espère malgré tout qu’il fera chaud à Monaco pour le meeting.
M : Ça devrait être le cas.
K : Comment est le vent là-bas ?
M : On n’a pas de vent ici, c’est pour cette raison que les courses de sprint ne sont pas excellentes en termes de chrono.
K : C’est parfait pour le 400m H dans ce cas.
M : En effet. Comment t’es-tu senti lorsque tu as su que Monaco organiserait un 400m haies ?
K : Pour être honnête, j’ai toujours voulu courir à Monaco pour la piste. Je connais des athlètes qui ont couru vite là-bas déjà et je m’y suis déjà entrainé. C’est un beau stade et je sais que je suis capable d’y courir plus vite que jamais.
M : Es-tu en forme ?
K : En Norvège, on a pu s’entrainer vraiment bien, donc je suis en forme, oui. J’espérais avoir une chance de me tester, donc lorsqu’une opportunité s’est présentée avec Monaco, c’était super.
M : Comment t’es-tu entrainé pendant le confinement ?
K : On a un petit groupe d’entrainement. C’est juste Amalie Iuel, Elisabeth Slettum, Leif (son coach) et moi-même. Il y a eu quelques semaines pendant lesquelles on a eu quelques problèmes au niveau des infrastructures. Sinon, on a également pu s’entrainer dehors. La Norvège a commencé à réouvrir nos lieux d’entrainement rapidement, et quand les Bislett Games ont annoncé qu’ils accueilleraient les « Impossible Games », ils ont également ouvert la piste du stade pour nous.
A vrai dire, j’ai pu m’entrainer davantage que pour une saison normale. D’habitude, je serais en période de compétition. C’est ce qui rend tout ça intéressant, pour voir si c’est une bonne ou mauvaise chose lorsqu’on sera proche du meeting (Monaco) en août.
M : Est-ce que cela pourrait changer la manière dont tu appréhendes ta préparation future ?
K : Pour moi, ça a été une opportunité. J’essaye de penser que mon objectif est de toujours être meilleur. Bien sûr, il faut participer à des compétitions pour devenir meilleur, mais je crois aussi que l’entrainement est la chose la plus précieuse lorsqu’il est question d’accéder à un niveau supérieur. Pour nous, l’objectif a toujours été de repousser les limites. Je pense que je pourrais me concentrer davantage sur les quelques compétitions auxquelles je participe, en continuant de m’entrainer entre ces compétitions.
La partie la plus intéressante sera de voir si je peux venir directement à Monaco, qui sera ma deuxième course de la saison, et être performant immédiatement. Personnellement, je pense que c’est possible.
M : Cette année est particulière puisqu’il n’y a pas de grand championnat.
K : Il n’y a rien à perdre. C’est ce que j’aime aussi avec le meeting qui arrive. Je vais peut-être sembler un peu peureux, mais j’ai gagné toutes les courses l’an dernier, donc en venant à Monaco, je vais pouvoir me concentrer sur le temps, le chrono. J’ai la chance de me préparer d’une autre façon, tout donner et essayer des choses que je n’aurais pas osé tenter lors d’une saison normale. Et j’adore ça !
M : De quelle manière cela a-t-il changé la façon dont tu perçois les choses cette année ? Tes objectifs ? Pensais-tu « Je vais me concentrer sur un but précis comme battre le record du monde » ou plutôt « je vais juste m’entrainer et voir ce qui pourrait se produire » ? »
K : C’est une question intéressante parce que je me réjouissais vraiment à l’idée de participer aux Jeux Olympiques cette année. C’est une des médailles que je n’ai pas. Une fois qu’ils ont été reportés et plus au programme, j’ai commencé à me dire « J’ai prouvé ce dont j’étais capable, les gens ont vu ce dont j’étais capable ». Et j’aime toujours autant aller à l’entrainement et essayer de devenir encore meilleur. Donc, pour moi la chose importante était « J’ai fait mes preuves aux gens des autres, et cette année peut être l’occasion de me prouver, à moi-même, ce dont je suis capable ».
Il est question de repousser les limites et voir jusqu’à quel point je peux devenir meilleur si je prends le temps de faire tous les entrainements qu’il faut en ne courant qu’à quelques compétitions. Les problèmes n’existent pas, il y a seulement des solutions.
M: Comment perçois-tu cette nouvelle situation ?
K : C’est un bon test pour tout le monde. On a aussi une chance de réaliser à quel point on est chanceux de faire ça faire dans un monde normal, et on doit aussi réaliser tout ce que l’on peut faire avec peu de choses. En grandissant dans ma ville natale, je n’avais pas accès à une infrastructure indoor. Pendant l’hiver, j’allais m’entrainer sur la plage parce que c’était le seul endroit où il n’y avait pas de neige. Quand la marée était basse, l’eau faisait fondre la neige, c’était là que je pouvais courir.
Nous devons être créatif et toujours cherché de nouvelles solutions.
M: Tu dis que c’est au couloir 7 que “la magie opère”. Pourquoi ça ?
K: Absolument. En vérité, c’est parce que mon coach, qui est vraiment prudent, souhaite que je coure le plus loin possible de la courbe parce qu’il y a moins d’impact sur le corps puisque le virage est plus loin, c’est moins rude. C’est parce qu’il souhaite que je fasse une longue carrière et que j’évite les blessures. Mais bien sûr, dans les championnats, on ne choisit pas son couloir et ce n’est pas un problème pour moi, mais si je peux choisir, je prends toujours le couloir 7. C’est devenu une chose avec laquelle je suis plus à l’aise.
M : Et que faisais-tu lorsque tu ne pouvais t’entrainer ? Avais-tu beaucoup de temps pour regarder des films, lire des livres. Que faisais-tu ?
K: J’ai regardé plein de films, mais il y a aussi une chose que j’adore faire, c’est construire des Lego. J’en ai beaucoup construit pendant le confinement et je me suis bien amusé à faire ça.
M: Qu’as-tu construit ?
K: J’ai construit de tout, j’ai construit Old Trafford, Tower Bridge, la tour de Londres. Maintenant, je construis une Lamborghini. J’ai aussi construit le château de Disney et dans le passé, j’ai construit beaucoup d’autres choses : une Bugatti, une Porsche.
M : A un moment, as-tu pensé que cette saison serait une saison blanche ? Ou avais-tu espoir que les compétitions reprennent ?
K : Je pensais vraiment qu’on aurait une saison blanche, à l’exception des « Impossible Games ». Je pensais vraiment que les « Impossible Games » seraient ma seule compétition de l’année parce que je savais que ce serait difficile. Je pensais que ce serait à cause de la difficulté d’organiser un meeting dans ces conditions, c’est compliqué d’organiser un meeting qui serait également sécure pour tout le monde. Mais j’adore votre audace. Vous allez organiser ce meeting et avec un peu de chance, d’autres le feront aussi. Maintenant je suis vraiment content. Je me suis entrainé et j’ai essayé de m’investir à fond. Dans le cas où il y aurait quelques compétitions à la fin de l’été, j’étais prêt et même sans compétition, ça aurait été un bon investissement pour 2021 et pour les Jeux Olympiques l’an prochain.
M : Quel est ton programme en ce moment ? As-tu seulement prévu de venir à Monaco ou penses-tu participer à d’autres compétitions ?
K : Maintenant, je suis focalisée sur Monaco, c’est la seule chose à laquelle je pense, mais il y a aussi Stockholm, qui est très proche de Olso et j’espère y aller aussi. Je ne pense pas courir sur les haies, je vais probablement courir le 400m plat. Le temps nous le dira. On a aussi les championnats nationaux en septembre et sûrement d’autres meetings de Diamond League sur 400m haies, donc oui, le temps nous le dira. En Norvège, on a la chance d’avoir une bonne situation qui nous permet de voyager au moins en Europe alors je participerai aux compétitions auxquelles je pense pouvoir performer.
M : Tu as dit qu’il fallait rester créatif dans cette situation. On essaye, au contraire, d’organiser un meeting aussi normal que possible alors que tout le monde essaye de rester créatif. On a regardé les « Impossible Games », des compétitions de saut à la perche dans des jardins.
K: J’ai adoré ça.
M : On a vraiment travaillé pour organiser un évènement aussi normal que possible alors que tout le monde essayait d’être créatif et de tirer quelque chose de cette situation.
K : Eh bien, le meeting de Monaco est ce dont on a besoin maintenant parce que les « Impossible Games » et « Inspiration Games » étaient super au début, mais les gens ne veulent pas me voir courir le 300m haies ou courir des distances qui ne sont même pas officielles. On ne peut pas continuer à faire ce genre de choses pour le reste de l’année. Pour moi, Monaco est le meeting le plus spécial parce que c’est la seule chose que l’on aura de normal cette année. C’est ce que je veux et je pense que c’est aussi ce que les spectateurs veulent.
M : On travaille dans ce but, on essaye d’accueillir des spectateurs au meeting.
K : Attends. Il y aura des spectateurs aussi ?
M : Il devrait y en avoir, oui. Jusqu’à 5 000.
K : Wow. C’est génial, c’est une super nouvelle. M : Avec la façon dont on travaille, il y a deux systèmes différents. Le premier pour les spectateurs, qui nécessite un management totalement différent, et le deuxième est pour les athlètes et la compétition. Les athlètes et leurs coaches ne vont jamais être au contact avec le public. Par exemple, tu vas t’échauffer, puis tu vas aller avec tes adversaires en chambre d’appel sur le terrain ; ton coach va suivre le chemin puis il ne va pas aller en tribune, il va faire le tour du stade en passant par une porte spéciale. Comme ça, il n’y aura aucun contact.
K : C’est génial que vous puissiez avoir des spectateurs. 5 000 c’est pratiquement un tiers du stade ?
M : À peu près. La capacité maximale du stade à Monaco est d’environ 16 000 personnes.
K : Ça va être aussi un peu spécial car jusqu’alors, aucun événement sportif n’aura eu de spectateurs. Ça va être dingue.
M: Dans une interview récente pour la Diamond League, tu as parlé d’un documentaire. Où en es-tu ?
K : On y travaille. Ça devrait être diffusé fin-août, début septembre. On filme encore. C’est une idée que l’on a eu pendant la période du Corona parce qu’on avait beaucoup d’extraits de 2015 jusqu’à maintenant avec la médaille d’or aux Championnats du Monde. On a aussi beaucoup filmé les entraineurs pendant la pandémie et beaucoup d’autres choses ; on verra aussi des choses en rétrospective. On travaille toujours dessus.
M : A propos de cette série documentaire, qui la produit ? La télévision norvégienne ?
K : C’est le même diffuseur qui va transmettre votre meeting. Il s’agit de la chaine nationale, c’est la plus grande chaine en Norvège. Quand j’ai couru à Doha, la finale, c’était regardé par 1.5 million de personnes en Norvège, et nous sommes seulement 5 millions. Ça représente donc environ 25% de gens qui m’ont regardé en live. Ce sont des chiffres fous.
M : Comment est ta vie lorsque tu es en Norvège ?
K : En réalité, l'athlétisme a pris une très grande importance. Les gens adorent le regarder et grâce à moi, aux frères Ingebrigsten, et beaucoup d'autres gens, qui obtiennent des bons résultats. On booste l'intérêt des gens pour l'athlétisme ici en Norvège alors quand on marche dans la rue, on est reconnus car les gens aiment tellement regarder le sport. Les Bislett Games ont aussi des fortes traditions. La Norvège a retrouvé sa fierté grâce aux bons résultats de ses athlètes, et les gens ont été bienveillants, positif et à nous supporter. J'aime tellement ça car en Norvège, nous avons principalement des skieurs et maintenant on a aussi des sports d'été, et par exemple des footballeurs qui ont des résultats. La Norvège est devenue une très bonne nation de sport. M : Tu évoquais d’autres sports, es-tu proche de Johannes Boe ou Erling Haaland. Est-ce que vous vous voyez parfois lors de remises de prix ou autres évènements ?
À propos d'Erling Haaland, je ne l'ai jamais rencontré, mais il semble être un super mec et un grand footballeur, j'espère avoir l'occasion de le rencontrer à l'avenir. Mais sinon oui, il y a beaucoup d'autres athlètes que je rencontre tout le temps car on a un centre sportif de haut niveau à Oslo où beaucoup d'athlètes se rencontrent. Et comme tu le disais, il y a aussi tous ces galas autour du sport, et pleins d'autres endroits où on se voit. C'est un petit environnement alors c'est super de rencontrer tous ces gens et d'être inspiré par tous ces athlètes de son propre pays qui réalisent des grandes choses.
M : Comment vois-tu l’intérêt grandissant pour le sport auquel tu as contribué ainsi que les Ingebrigtsens ?
K : J’espère que c’est inspirant. C’est une manière de montrer qu’il est possible de faire des sports d’été même en venant du grand pays hivernal qu’est la Norvège. J’espère que les gens trouvent ça inspirant, car on a une belle exposition pour les sports d’été. Les sports d’été sont importants à travers le monde et je crois que c’est une bonne chose d’inspirer les jeunes norvégiens et potentiellement les adultes aussi.
M : As-tu toujours fait de l’athlétisme ? Ou as-tu déjà tenté le ski ou le foot ?
K : J’ai juste fait du foot en dehors de l’athlé, c’est les deux seuls sports que j’ai pratiqués. Je suis de l’ouest de la Norvège et nous n’avions pas tant de neige que ça alors l’athlétisme et le foot, c’était mon truc.
M : L’année dernière, le troisième pays le plus représenté dans les tribunes était la Norvège.
K : On adore regarder du sport. Vous aviez les frères Ingebrigtsen l’année dernière, non ?
M : En effet. Les norvégiens sont venus à Monaco directement de Lausanne. Beaucoup étaient en vacances et ont acheté des billets pour le meeting.
K : C’est trop cool. Toutes les compagnies aériennes norvégiennes proposent des vols sur Nice et beaucoup de gens y vont alors c’est vraiment bien.
Cette interview a été éditée et condensée pour plus de clarté.
Matthieu FORTIN est un contributeur pour le site du Meeting Herculis EBS.